REIMS / ESPE

Jean Lurçat (France, 1892-1966)

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Sérigraphie sur toile
Dimensions : L = 1,97 m, H = 1,28 m.
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Jean Luçat est l’artiste, d’abord peintre et céramiste, puis créateur de tapisseries, qui a permis à l’art de la tapisserie d’entrer dans la modernité du XXe siècle. L’œuvre qui orne la salle des actes du bâtiment administratif de l’UFR de Sciences exactes et naturelles à l’entrée du Campus, dont l’architecture revient à Marcel Lods, n’est cependant pas une tapisserie, mais une peinture, une sérigraphie sur toile, qui peut former le carton d’une tapisserie future (duplicable d’ailleurs à l’envi à partir de cet original). Cette œuvre n’est par ailleurs pas répertoriée dans les listes officielles du 1 % culturel déposées aux Archives nationales. Il s’agit donc d’un achat ou d’un don fait à l’université à une date qui reste inconnue à ce jour. Elle fait cependant partie de la liste proposée par la fondation Jean et Simone Lurçat, où elle est classée comme faisant partie d’une série de 1959, réalisée par l’éditeur de tissus Corot.

La mer, déclinée ici sous le titre Aquarium, est un des thèmes favoris de Lurçat. Et pour cet artiste cultivé qui a terminé sa vie à Saint-Paul-de-Vence, il s’agit d’abord de la mer Méditerranée, celle qui, de l’Égypte à la Grèce et l’Italie, a donné naissance à la civilisation occidentale. Sur cette œuvre, il décline son vocabulaire graphique précis et équilibré, si reconnaissable, qu’il a construit à partir de celui du fauvisme, puis du cubisme dont il a été un fervent admirateur et adepte. Les formes végétales et animales mêlées y sont méditerranéennes – feuilles de vignes et poissons de roches – et s’intègrent à celles d’objets de même origine culturelle – vases et amphores romains. L’effet est d’abord celui d’un enchevêtrement qui paraît abstrait, puis peu à peu l’œil y reconnaît ces diverses formes nommables.

On constate alors une composition en deux registres horizontaux superposés, le tiers inférieur formant un socle visuel à dominante de rouge, composé de vasques végétales-minérales, et les deux tiers supérieurs d’où surgissent la faune et la flore aquatiques. L’ensemble exploite, du point de vue des couleurs, les jeux de contraste des complémentaire rouge-orangé et vert-bleu, et du point de vue des formes un réseau de relations et d’interactions entre le végétal et l’animal, qui semblent appartenir à un même univers, ou du moins ne pas être hiérarchisés par la représentation que nous en propose l’artiste. On pense également au camouflage et aux solutions que l’animal trouve, dans la nature, pour se fondre au végétal, et celles que déploie le végétal pour simuler l’animal. Tout cela rend obligatoire une observation attentive pour pouvoir discerner ce qui se cache et ce qui se montre. Que l’on y parvienne ou non, c’est la dimension décorative de l’ensemble qui s’impose en dernière analyse.

Avec celles de Raoul Ubac et de Shamaï Haber, cette œuvre donne à Reims un très bel échantillon de la création artistique que les premières années du ministère de la culture d’André Malraux (créateur de la loi des « 1 % ») entendaient promouvoir.