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Peinture sur panneaux acier.
Surface : Ensemble de l’atrium, compris jouée
et murs de l’amphithéâtre.
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L’ambiance bleutée, et la fraîcheur qui l’accompagne, sont palpables dès l’entrée dans l’atrium de la faculté d’odontologie, avant même que l’on remarque l’œuvre de Joël Moulin qui est à l’origine de cette sensation. Les murs de l’entrée, mais surtout la totalité du plafond des parties communes du bâtiment sont en effet recouverts de ce qu’on appréhende d’emblée comme un ciel, avec ses nuages et ses tourbillons de lumière. La peinture couvre tout, elle englobe entièrement le visiteur, qui est ainsi pris dans une sorte d’aspiration radieuse vers le haut, expérience proche de celle que l’on peut vivre dans certaines églises baroques aux plafonds entièrement peints, à la différence près qu’ici les anges et les saints sont absents visuellement, mais peut-être encore présents spirituellement, à travers l’expérience de la couleur pure et de sa lumière.
Par endroit, on peut s’approcher de la couche picturale, et on peut en apprécier le grain, les subtilités des changements de tons au sein d’un camaïeu mouvant qui va de l’outremer au blanc, décliné au fil des traces laissées par le passage du pinceau, qui donnent son mouvement à l’ensemble. On pense aux nuages, mais aussi par endroits aux vagues d’une grosse mer.
Ici ce qui impressionne, c’est avant tout l’immensité de la surface peinte. Lorsque, par les baies à clairevoie qui ouvrent sur le ciel réel, la couleur s’étend dans une sorte de continuité parfaite entre l’intérieur et l’extérieur, c’est une impression d’infini qui s’impose à celui qui parcourt cet espace.
Dans ce lieu où les études d’odontologie amènent à se centrer sur un objet minuscule et fermé, apparemment banal, dominé visuellement par les tons chauds et rouges de la chair, la bouche, l’artiste propose un décor en tout point opposé, exprimant par la fraîcheur des bleus et des blancs l’ouverture et l’immensité infinie du ciel. Par le traitement pictural vigoureux que lui confère le geste du peintre, cette gigantesque surface azurée s’anime d’une grande respiration, que l’on sent courir partout. Ainsi il rend palpable ce qui rejoint l’infiniment grand de ce décor et l’infiniment petit de ce qui motive la destination universitaire de ce lieu, et qui est la notion de souffle, qui désigne aussi bien les mouvements d’air qui animent les cieux que ceux qui témoignent de la vie et passent par la bouche des hommes.
« La vie d’un individu est unique. Elle est irrémédiable. Une toile est irrémédiable aussi. Je ne connais pas d’acte qui soit aussi conforme à la vie humaine, dans ce qu’elle a de précaire et dans ce qu’elle a d’unique, que la peinture », nous dit Joël Moulin, ce peintre que le prix de Rome en 1965 a amené à travailler à la Villa Médicis sous la direction de Balthus, puis comme enseignant à l’École Nationale Supérieure d’arts de Cergy-Pontoise, et qui s’est peu à peu acheminé vers une figuration où le motif se dissout peu à peu dans une recherche de peinture pure, incompatible avec les basses considérations commerciales du marché de l’art, et qui l’a ainsi amené à ne pas exposer pendant longtemps.