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Plaquettes de marbre éclaté
(4 types de roche).
H = 2,23 m, L = 2 x 1,93 m + 1 x 10,00 m + 4 x 6,45 m.
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Le panorama circulaire d’un paysage stylisé et stratifié, représentation poétique de la sédimentation et de l’émergence.
La mosaïque en sept panneaux et en plaquettes de marbre éclaté de Raoul Ubac (Rudolf Gustav Maria Ernst UBACH de son vrai nom) est le 1% artistique de la Rotonde des Amphis du Campus Sciences, œuvre architecturale construite en 1964 par Henri Beauclair et Marcel Lods.
Il s'agit d'une œuvre in situ, c'est-à-dire une œuvre faite pour le site qui l’accueille, et qui se nourrit et se construit à partir des caractéristiques formelles, fonctionnelles ou même sociologiques, du lieu dans lequel elle est placée.
Ici ce sont les termes d'opposition et de complémentarité qui régissent les relations de cette œuvre à l'architecture (comme ce sera d'ailleurs également le cas pour les « granits » de Shamaï Haber, commentés également dans ce livre ). Cette complémentarité se construit en fait selon deux principes fondamentaux.
Le premier principe est celui de la forme. L'architecte bâtit un édifice parfaitement circulaire avec une organisation rayonnante des amphithéâtres, et la mosaïque qu'y installe Ubac se structure, au contraire des formes du bâtiment, strictement sur un réseau de lignes brisées, blanches, grises ou brunes, qui s'entrecroisent et créent les vagues dont le déploiement anime tous les murs.
Le second principe est celui de l'opposition complémentaire entre la technologie, le côté très rationnel et très moderniste de l'architecture de béton, très savant également, et les formes et les matières archaïques, naturelles et sensibles que pose le plasticien.
Là où l'architecte, par la rationalité et la haute technologie des structures en béton de son édifice, accompagne la vocation scientifique du lieu, le peintre-mosaïste rappelle en complémentarité la dimension sensible et spirituelle de l'archaïsme des formes et des matières de la nature.
Une autre relation entre la science qui est créée et enseignée dans ces lieux, et l'art que vient y ajouter l’œuvre d'Ubac, consiste dans l'utilisation des concepts liés de strate et de sédimentation, communs aux scientifiques et aux artistes. En effet, les strates d'Ubac (formes par ailleurs récurrentes dans son œuvre) sont celles d'une sorte de paysage géologique (la géologie faisant partie des sciences de ce campus), qui s'empilent et courent le long des murs, pour former, sur le panneau diamétralement opposé à l'entrée, une ascension en forme de montagne ou de volcan, une sorte de surgissement. Placées dans un tel lieu, elles peuvent être interprétées comme des métaphores de la science elle-même, qui se construit par la stratification des savoirs et leur sédimentation, et qui aboutit quelquefois à des surgissements spectaculaires et flamboyants.