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Équipement : amphithéâtres, bibliothèque, laboratoires, ateliers, administration.
Architectes : Marcel Lods (1891-1978) associé à Henri Beauclair (né en 1932) à Paul Depondt (1926-2007)
et à André Dubard de Gaillarbois (1902-1998).
Date : 1959-1967.
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CAMPUS MOULIN DE LA HOUSSE
Une architecture fonctionnelle et moderne
en quête d’immatérialité.
Créer une composition urbaine en lien
avec le grand paysage alentour.
Contexte
La Faculté des Sciences est édifiée entre
1963 et 1967 sur les 41 hectares de terres
agricoles du Moulin de la Housse, situés
à l’entrée Est de la ville de Reims.
Elle est créée par décret le 4 juillet 1959,
avant la création de l’Académie de Reims
en janvier 1962. L’architecte Marcel Lods
est choisi pour concevoir un campus
avant-gardiste en limite de la ville.
Lors de sa création, le campus devait être
une antenne en province de l’université
de la Sorbonne, afin de proposer
aux étudiants parisiens des conditions
d’enseignement apaisées, au coeur
de la nature. En définitive, il constitue
la première composante de la future
Université de Reims. Dès juin 1960,
le célèbre architecte Marcel Lods et
son architecte adjoint rémois André Dubard
de Gaillarbois réalisent d’emblée
les premières esquisses de l’ensemble
des bâtiments de la Faculté, destinés
à accueillir 4000 étudiants.
Le vaste programme associe des locaux
administratifs et d’enseignement,
des laboratoires de recherche, des salles
de travaux pratiques en mathématiques,
physique, physique-chimie, biologie
végétale, biologie animale et géologie,
divers ateliers, une bibliothèque et
cinq amphithéâtres, un restaurant
de 1000 places, ainsi que
300 chambres d’étudiants.
Ce programme riche et varié permet
alors à l’architecte d’innover en créant
un ensemble bâti à l’architecture moderne
en harmonie avec le paysage.
Un architecte prodigieux
Diplômé en 1923 à l’Ecole des Beaux-Arts
de Paris, Marcel Lods (1891-1978) est
l’un des plus grands architectes français
du XXe siècle.
Dès 1928, Marcel Lods prône l’usage
de la préfabrication industrielle dans
la construction de bâtiment avec
des matériaux très légers pour
une architecture tendant vers un idéal :
à la recherche de l’immatérialité.
Il devient dès 1933 membre des Congrès
Internationaux d’Architecture Moderne
(CIAM dont l’un des initiateurs est
Le Corbusier en 1928), et en 1934 membre
de l’Union des Artistes Modernes (UAM),
fondée par Robert Mallet-Stevens.
Pionnier de l’industrialisation
intégrale du bâtiment, il construit, avec
la collaboration de grands ingénieurs
comme Vladimir Bodianski et
Jean Prouvé, des grands ensembles
et des édifices qui marquent profondément
l’histoire de l’architecture internationale :
le pavillon de l’aéroclub Roland Garros
de Buc (1931-36), la maison démontable
BLPS (1938), la maison des Sciences
de l’Homme à Paris (1962)... Ces édifices
de référence majeure sont aujourd’hui
classés Monuments historiques (maison
du Peuple et marché couvert de Clichy
en 1935-39) ou inscrits à l’Inventaire
Supplémentaire des Monuments
historiques comme l’école de plein air
de Suresnes (1934-35).
Lors de la construction du campus Moulin
de la Housse dans les années 1960,
Marcel Lods est associé aux architectes
Paul Depondt (1926-2007) et Henri
Beauclair (né en 1932). Ils fondent
ensemble le Groupement d’Etudes
pour une Architecture Industrialisée (GEAI)
et réalisent des prototypes de bâtiments
intégralement usinés, entre 1962 et 1966,
avec le grand ensemble de la Grande
Mare à Rouen. Marcel Lods réalise alors
son idéal en matière de construction
industrialisée.
Titulaire de plusieurs grands prix nationaux
et internationaux d’architecture, il devient
membre de l’Académie d’Architecture
en 1971, une des fonctions les plus
prestigieuses dans ce domaine, et publie
le célèbre livre « Le métier d’architecte »
en 1976.
Urbanisme
Cette faculté des Sciences est l’une
des premières en France à faire référence
au modèle du campus californien
de Stanford et de Berkeley. L’équipe
d’architectes réalise un ensemble aéré
de bâtiments espacés. Cet ensemble
revêt un caractère « révolutionnaire
pour l’époque » selon Marcel David,
premier doyen du Moulin de la Housse
et fondateur de l’école de Sciences en 1963.
Le plan très géométrisé vu du ciel
est organisé suivant un axe majeur
longitudinal Est-ouest, équilibré par
un axe secondaire Nord-sud.
Les bâtiments rectangulaires, simples
et allongés, parfois percés de larges patios
intérieurs, forment une composition
rigoureusement orthogonale, qui s’articule
autour de la rotonde des amphithéâtres
(cf. p. 54), seule forme dynamique
et circulaire de l’ensemble. Comme
soulevée du sol, elle s’érige en rupture
avec les autres bâtiments aux formes
rectilignes et continues. L’espace central
de la composition, très ouvert, reçoit
le coeur symbolique du campus
en réunissant les entités bâties
aux fonctions symboliques du savoir :
la rotonde composée de 5 amphithéâtres
et la bibliothèque sur 3 niveaux.
Les édifices originels, ayant chacun
leur propre fonction, épousent
la topographie naturelle du sol
et s’élèvent entre un et deux niveaux.
Les bâtiments s’inscrivent délicatement
dans le paysage, sans perturber
les équilibres ancestraux. L’espace
ainsi conçu permet de recevoir
des extensions bâties latérales ou
en surélévation au fil des années,
permettant, le cas échéant, de doubler
la capacité d’accueil du campus.
La composition d’ensemble permet alors
d’associer les espaces de vie aux espaces
d’enseignement, de recherche et aux
fonctions administratives, pour créer
une convivialité et une réelle proximité
au sein d’un campus refusant
toute monumentalité.
Paysage
Caractérisé par une faible emprise bâtie
au sol, l’ensemble libère de nombreux
espaces verts, ouvrant des vues
singulières, en accroche sur les reliefs
boisés et les coteaux de vignes
du paysage.
Les espaces verts dominent et semblent
ponctués de bâtiments relativement bas,
qui cadrent de larges points de vue sur
les éléments remarquables du paysage :
vers la montagne de Reims au Sud
et vers le mont de Berru au Nord-est.
Le campus étendu est irrigué par
un maillage fluide de cheminements
continus exclusivement piétons,
les espaces de stationnements étant
reportés au sein des trois entrées
principales du site.
L’axe majeur du campus Est-ouest
est souligné par une longue rue piétonne
couverte, adossée en partie contre
le bâtiment Recherche se développant
le plus en longueur. Cette allée principale
relie les différents bâtiments entre
eux grâce à des liaisons piétonnes
transversales agréables.
Ce maillage orthogonal de cheminements
est séquencé par les vues lointaines
sur le paysage et sur l’architecture
homogène et régulière des bâtiments.
Ces nombreuses liaisons piétonnes,
qui favorisent la déambulation
et la contemplation, constituent
une promenade paysagère, un parcours
« initiatique » permettant aux étudiants
d’y puiser des ressources spirituelles.
Architecture
Cette grande cohérence architecturale
des bâtiments repose sur des principes
architecturaux forts et résolument modernes.
Ils se traduisent par une structure porteuse
(initialement métallique) sous forme
de piliers rectangulaires légers en béton
blanc, reportés à l’extérieur et détachés
des façades, à l’exemple des cathédrales
gothiques et de leurs contreforts
en périphérie. Cette structure, qui rythme
avec élégance les façades lisses,
est associée à de grandes baies continues
préfabriquées en aluminium anodisé,
avec un système d’ouvertures unique
imaginé spécialement pour le campus.
Les plus larges bâtiments rectangulaires
ainsi que la bibliothèque sont agrémentés
de patios intérieurs plantés aux dimensions
harmonieuses. Leurs grandes baies font
alors pénétrer une lumière tamisée par
des stores à lamelles orientables
à l’intérieur d’espaces très ouverts
et flexibles. Le jeu de la lumière, l’utilisation
de grands vitrages continus de toute
hauteur associés au béton blanc,
la fluidité des espaces et leur caractère
fonctionnel créent des espaces agréables
de grande qualité architecturale.
De même, les volumes épurés, juxtaposés
les uns aux autres et orientés suivant
la lumière, tendent vers une harmonie
et une légèreté architecturales remarquables.
Celles-ci semblent répondre à la quête
d’immatérialité sans cesse recherchée
par l’architecte Marcel Lods.
Sarah Hinnrasky Charlier