Reims Campus Croix-Rouge

André et Denis Dubard de Gaillarbois (1902-1998), Robert Clauzier (1925-2017)

Les Coquilles, un nom curieux...

Lisez cet article d'Anne Jacquesson qui retrace l'histoire de l'appellation 'Coquilles' pour les amphis du campus Croix-Rouge

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Équipement : Enseignement, amphithéâtres et administration.
Maitre d’ouvrage : Ministère de l’éducation nationale.
Architectes : André et Denis Dubard de Gaillarbois (1902-1998), Robert Clauzier (1925-2017).
Date : 1972.
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LA COROLLE ET LES BÂTIMENTS ORIGINELS

Vers un ensemble architectural qui allie élégance et puissance…
Révéler les espaces de savoir à travers une architecture d’avant-garde.

Contexte

Les bâtiments du campus Croix-Rouge ont été édifiés entre 1969 et 1972, au sein d’un nouveau quartier d’habitation social réunissant 3000 logements dans des grands ensembles verticaux en limite du parc Saint-John Perse. Ils arborent une architecture remarquable qui devient dès sa construction l’emblème de l’Université de Reims Champagne-Ardenne. L’Académie de Reims est fondée en 1961, la naissance de l’Université de Reims a lieu quelques années plus tard en 1967 sous l’autorité du Recteur de l’Académie. La Faculté de Droit et de Sciences économiques (4000 étudiants) ainsi que la Faculté de Lettres et Sciences humaines (5000 étudiants) voient le jour en 1968. Elles sont ensuite réunies entre 1972 et 1974 sur le même campus Croix-Rouge, s’étendant sur 3,5 hectares de terres agricoles à l’extérieur du centre historique. Le site du campus Croix-Rouge concentre à son ouverture en 1972 un riche programme qui associe :
- les 6 amphithéâtres de tailles différentes : un grand de 700 places, deux de 600 places, deux de 300, et un petit de 200 places, (le septième de 600 places, ne voit finalement pas le jour à cause d’un budget contraint),
- des salles d’enseignement général et administratives,
- deux restaurants universitaires de 1050 places chacun,
- une bibliothèque (13 500 m²) destinée à 9000 étudiants,
- un bâtiment de Médecine Préventive pour 10 000 étudiants et 3000 membres du personnel,
- des équipements sportifs (3 gymnases, 1 piscine…), avec des terrains de plein air en partie basse,
- quatre résidences universitaires de 150 chambres chacune, situées dans le prolongement du quartier d’habitat, vers l’ouest.
Cet ensemble cohérent illustre les principes modernes bien ancrés du béton, combinés à l’avant-gardisme de l’architecture en bois.

Urbanisme

Les amphithéâtres en forme de corolle marquent l’entrée de l’Université de Reims dans le quartier Croix-Rouge. Ils s’élèvent dans l’axe même de l’avenue principale du général Eisenhower, voie d’entrée du quartier. Le parvis d’entrée de l’Université est signalé par la Sculpture du Parvis en acier corten de Marino Di Teana.

Le campus se compose d’un ensemble bâti étendu, qui constitue une trame rigide de bâtiments réguliers en brique et en pierre à l’architecture homogène. Cette nappe continue s’ouvre afin de laisser se déployer une forme plus souple et puissante à l’expression plastique animée, évitant ainsi toute monotonie architecturale, selon l’architecte. Les amphithéâtres en ossature bois sous formes de six pétales s’y soulèvent alors vers le ciel depuis un socle en béton. Cette forme en rupture avec son environnement s’élève au-dessus-de l’ensemble et crée un motif d’entrée au centre du grand patio. Cet objet architectural de grande échelle est alors visible en de nombreux points de la ville. Cette nappe horizontale forme un réseau d’espaces bâtis analogues, percés de patios aménagés en jardins et reliés par des allées protégées d’auvents.

Cet ensemble quadrillé s’inscrit dans la pente au sein d’un espace vert et maintient ainsi un vélum régulier de toitures terrasses formant une surface plane. Ainsi, les premiers bâtiments s’élèvent sur un niveau à l’entrée du campus, puis de deux et de trois niveaux en bas de pente, afin de révéler la vue panoramique sur la montagne de Reims. Les espaces de stationnement sont alors reportés aux extrémités latérales du campus afin d’offrir des espaces verts plantés et des lieux de rencontre favorisant la vie étudiante.

Le coeur du campus est traversé par une « vague verte » de bouleaux, qui établit un trait d’union entre les deux édifices emblématiques du savoir : de la Corolle à la bibliothèque universitaire, espaces de recherche et de diffusion des connaissances. La bibliothèque détruite en 2006, le site laissé libre aujourd’hui, dégage une perspective panoramique sur le grand paysage de la montagne.

La genèse d’un projet unique

La corolle, à l’architecture symbolique, nait d’un processus de conception structurelle expérimentale, testé en maquette réduite. La première maquette réalisée par l’architecte est constituée par un assemblage original de baleines de parapluie et de fils, qui aboutit à une structure tendue. L’architecte André Dubard de Gaillarbois imagine à l’origine une structure en béton armé à partir d’éléments préfabriqués, mis en oeuvre par contrainte. Or, l’entreprise en bâtiment s’oriente vers un projet traditionnel sur coffrages en bois.

Devant ces deux orientations distinctes, le projet mis en concours adopte finalement une structure en bois pour sa meilleure compétitivité économique. Les architectes y voient alors l’occasion de révéler la force, l’élégance et la noblesse de ce matériau naturel, le bois dans toute sa splendeur.

Structure

Les amphithéâtres manifestent une technicité poussée à l’extrême grâce au bois en lamellé collé, en contraste avec les bâtiments bas continus de structure très simple. Les bâtiments généraux d’enseignement et d’administration sont édifiés suivant le parti constructif du bureau d’études techniques SEET, représenté par M. Salama et Schneider. Ils s’élèvent à partir d’une fine ossature légère en charpente métallique et de planchers en dalles de béton armé préfabriquées. Les façades légères sont composées d’éléments en tôle émaillée, qui intègrent des menuiseries en alliage léger. Ce dispositif génère ainsi une architecture lisse en façade. Les amphithéâtres adoptent des coques en bois avec une flèche de 5,80 mètres, réalisées par le bureau d’études Uhalde- Bernier. Ces coques reposent sur des culées en béton par l’intermédiaire de pièces d’ancrage. Chaque coque, recevant un amphithéâtre, présente des nervures reliées entre elles par des poutres en bois lamellé collé de type épicéa, visibles de l’intérieur. Le remplissage entre les nervures est constitué par deux panneaux en contreplaqué de 13 mm d’épaisseur, fixés sur une ossature secondaire avec une isolation en laine de roche. A l’extérieur, les contreplaqués sont revêtus d’hypalon, une toile tendue blanche, tandis que les nervures courbées en lamellé-collé reçoivent une protection décorative. Chaque amphithéâtre comprend alors 16 arcs cintrés rayonnant en un seul point. Leur toiture, qui participe à la rigidité de l’ensemble, forme une figure plane indéformable constituée par un bac acier isolant. Le chantier revêt un caractère exceptionnel avec la fabrication de chaque nervure qui nécessite un linéaire de 1200 mètres de planches élémentaires. Trois convois exceptionnels de 6,30 mètres de hauteur par amphithéâtre demandent le démontage et le remontage des lignes de fils électriques suspendus lors de leurs passages. De même, une grue de 47 mètres de flèche est nécessaire pour positionner définitivement chaque poutre et soulever chaque bloc de 8 tonnes.

Architecture

Les six amphithéâtres (sept prévus à l’origine) se déploient autour d’une circulation extérieure ouverte de type annulaire, réservant en son centre un vide : le patio. Espace d’entrée au campus, ce vide est pensé à la manière d’un vestibule extérieur, véritable zone de transition et d’orientation. L’ensemble est puissant, et la justesse de son expression lui vaudra son classement au titre du patrimoine du XXe siècle. Cependant devant la forte expressivité du plan rayonnant et de la façade extérieure de l’ensemble, qui constitue par ailleurs le logo de l’université, le patio peine à maintenir cette puissance devant le rôle qui lui est dévolu. En effet, au manque d’évidence pour s’orienter, s’ajoutent des éléments parasites comme la succession d’indications, l’absence d’une homogénéité de la communication, et les rénovations peu heureuses des façades des bâtiments rattachés. L’absence du septième amphithéâtre se fait également ressentir pour fermer totalement l’anneau et rendre cohérent cet espace introverti, du fait de son dessin de plan centré.

Sarah Hinnrasky Charlier
et Gaëtan Cadet